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Résonance

contre aliénation

À propos du concept

G. SIMONDON reproche à Marx de n’être pas allé assez loin dans sa conception de l’aliénation et l’avoir limité au procès économico-social, d’avoir passé outre sa dimension psycho-physiologique qui lui semble plus fondamentale. C’est chez H. ROSA que l’on trouve l’expression claire du rapport entre la problématique aliénation et ce que ce dernier identifie comme son antonyme : la résonance.

Sources

Résonance interne

Dans le domaine du vivant, la même notion de métastabilité est utilisable pour caractériser l’individuation ; mais l’individuation ne se produit plus, comme dans le domaine physique, d’une façon seulement instantanée, quantique, brusque et définitive, laissant après elle une dualité du milieu et de l’individu, le milieu étant appauvri de l’individu qu’il n’est pas et l’individu n’ayant plus la dimension du milieu. Une telle individuation existe sans doute aussi pour le vivant comme origine absolue ; mais elle se double d’une individuation perpétuée, qui est la vie même, selon le mode fondamental du devenir : le vivant conserve en lui une activité d’individuation permanente ; il n’est pas seulement résultat d’individuation, comme le cristal ou la molécule, mais théâtre d’individuation. Aussi toute l’activité du vivant n’est-elle pas comme celle de l’individu physique, concentrée à sa limite ; il existe en lui en régime plus complet de résonance interne exigeant communication permanente, et maintenant une métastabilité qui est condition de vie. Ce n’est pas là le seul caractère du vivant, et on ne peut assimiler le vivant à un automate qui maintiendrait un certain nombre d’équilibres ou qui chercherait des compatibiliités entre plusieurs exigences, selon une formule d’équilibre complexe composée d’équilibres plus simples ; le vivant est aussi l’être qui résulte d’une individuation initiale et qui amplifie cette individuation, ce que ne fait pas l’objet technique auquel le mécanisme cybernétique voudrait l’assimiler fonctionnellement. Il y a dans le vivant une individuation par l’individu et non pas seulement un fonctionnement résultant d’une individuation une fois accomplie, comparable à une fabrication ; le vivant résout des problèmes non pas seulement en s’adaptant, c’est-à-dire en modifiant sa relation au milieu (comme une machine peut le faire), mais en se modifiant lui-même, en inventant des structures internes nouvelles, en s’introduisant lui-même complètement dans l’axiomatique des problèmes vitaux. L’individu viavnt est système d’individuation, système individuant et système s’individuant ; la résonance interne et la traduction du rapport à soi en information sont dans le système du vivant. Dans le domaine physique, la résonance interne caractérise la limite de l’individu en train de s’individuer ; dans le domaine vivant, elle devient le critère de tout l’individu en tant qu’individu ; elle existe dans le système de l’individu et non pas seulement dans celui que l’individu forme avec son milieu ; la structure interne de l’organisme ne résulte plus seulement (comme dans le cristal) de l’activité qui s’accomplit et de la modulation qui s’opère à la limite entre le domaine d’intériotié et le domaine d’extériorité ; l’individu physique, perpétuellement excentré, perpétuellement périphérique par rapport à lui-même, actif à la limite de son domaine, n’a pas de véritable intériorité ; l’individu vivant a au contraire une véritable intériorité, parce que l’individuation s’accomplit au-dedans ; l’intérieur aussi est constituant, dans l’individu vivant, alors que la limite seule est constitutante dans l’individu physique, et que ce qui est topologiquemet intérieur est génétiquement antérieur. L’individu vivant est contemporain de lui-même en tous ses éléments, ce que n’est pas l’individu physique, qui comporte du passé radicalement passé, même lorsqu’il est encore en train d eroître. Le vivant est à l’intérieur de lui-même un noeud de communication informative ; il est système dans un systéme, comportant en lui-même médiation entre deux ordres de grandeur.
Enfin. on peut faire une hypothèse, analogue à celle des quanta en physique, analogue aussi à celle de la relativité des niveaux d’énergie potentielle : on peut supposer que l’individuation n’épuise pas toute la réalité préindividuelle, et qu’un régime de métastabilité est non seulement entretenu par l’individu, mais porté par lui, si bien que l’individu constitué transporte avec lui une certaine charge associée de réalité préindividuelle, animée par tous les potentiels qui la caractérisent ; une individuation est relative comme un changement de structure dans un système physique ; un certain niveau de potentiel demeure, et des individuations sont encore possibles. Cette nature préindividuelle restant associée à l’individu est une source d’états métastables futurs d’où pourront sortir des individuations nouvelles. Selon cette hypothèse, il serait possible de considérer toute véritable relation comme ayant rang d’être, et comme se développant à l’intérieur d’une individuation nouvelle ; la relation ne jaillit pas entre deux termes qui seraient déjà des individus ; elle est un aspect de la résonance interne d’un système d’individuation ; elle fait partie ‘dun état de système. Ce vivant qui est à la fois plus et moins que l’unité comporte une problématique intérieure et peut entrer comme élément dans une problématique plus vaste que son propre être. La participation, pour l’individu, est le fait d’être élément dans une individuation plus vaste par l’intermédiaire de la charge de réalité préindividuelle que l’individu contient, c’est-à-dire grâce aux potentiels qu’il recèle.
Il devient alors possible de penser la relation intérieure et extérieure à l’individu comme participation sans faire appel à de nouvelles substances. Le psychisme et le collectif sont constitués par des individuations venant après l’individuation vitable. Le psychisme est poursuite de l’individuation vitale chez un être qui, pour résoudre sa propre problématique, est obligé d’intervenir lui-même comme élément du problème par son action, comme sujet ; …

Résonance ou identité

Dégagée du schème hylémorphique, la notion de forme peut devenir adéquate au caractère polyphasé de l’être en se structurant de manière relationnelle, selon la direction de recherche des théoriciens de la Forme ; cette signification relationnelle de la Forme est atteinte plus plerinemenet à l’intérieur de la notion d’information comme signification relationnelle d’une disparition.
Une telle doctrine suppose qu’il n’y a de relation qu’à l’intérieur d’une réalité individuée, et que l’information est un des aspects de la réciprocité de l’être individué par rapport à lui-même. La relation de l’être par rapport à lui-même est infiniment plus riche que l’identité ; l’identité, relation pauvre, est la seule relation de l’être à lui-même que l’on puisse concevoir selon une doctrine qui considère l’être comme possédant une seule phase ; l’identité, en théorie de l’être polyphasé, est remplacé par la résonance interne qui devient, en certains cas, signification. Une telle doctrine

L’autre de l’aliénation

On l’aura compris, ni la nature humaine ni l’identité, l’authenticité, l’autonomie, la reconnaissance, le sens, ni la correspondance entre habitus et champ ne suffisent à déterminer l’« autre » de l’aliénation, à définir son contre-concept. Si l’on conçoit en revanche l’aliénation comme un mode spécifique de relation (au monde), on peut définir d’emblée ce dernier, ainsi que le fait Rahel Jaeggi, comme une relation sans relation (Beziehung der Beziehunglosigkeit). L’aliénation, ainsi que le suggèrent les exemples cités par Jaeggi, désigne un étant dans lequel on a des relations (famille, emploi, activité militante, hobby, appartenance religieuse), mais où celles-ci nous sont devenues indifférentes, insignifiantes voire rebutantes, quels que soient les succès que l’on y remporte : elles ne nous disent plus rien, elles sont muettes et/ou menaçantes à notre égard. Cette « relation sans relation » peut aller jusqu’à affecter notre rapport à notre propre corps ou à nos sentiments. L’envers de l’aliénation apparaît alors nécessairement comme une forme alternative de relation, une relation reliée – ou relation de réponse : C’est précisément la définition que j’ai donnée du concept de résonance. La résonance est l’envers de l’aliénation : telle est la thèse centrale de ce livre.

Qu’est-ce que la résonance ?

La résonance est une forme de relation au monde associant af<–fection et é–>motion, intérêt propre et sentiment d’efficacité personnelle, dans laquelle le sujet et le monde se touchent et se transforment mutuellement.
La résonance n’est pas une relation d’écho, mais une relation de réponse ; elle présuppose que les deux côtés parlent de leur propre voix, ce qui n’est possible que lorsque des évaluations fortes sont en jeu. La résonance implique un élément d’indisponibilité fondamentale.
Les relations de résonance présupposent que le sujet et le monde sont suffisamment « fermés », ou consistants, afin de pouvoir parler de leur propre voix, et suffisamment ouverts afin de se laisser affecter et atteindre.
La résonance n’est pas un état émotionnel mais un mode de relation. Celui-ci est indépendant du contenu émotionnel. C’est la raison pour laquelle nous pouvons aimer des histoires tristes.

Participation et résolution des problèmes

La relation ne jaillit pas entre deux termes qui seraient déjà individus ; elle est un aspect de la résonance interne d’un système d’individuation ; elle fait partie d’un état de système. Ce vivant qui est à la fois plus et moins que l’unité comporte une problématique intérieure et peut entrer comme élément dans une problématique plus vaste que son propre être. La participation, pour l’individu, est le fait d’être élément dans une individuation plus vaste par l’intermédiaire de la charge de réalité préindividuelle que l’individu contient, c’est-à-dire grâce aux potentiels qu’il recèle.